S.1 – Episode 5 – Elle voit bien son petit jeu

Résumé de l’épisode précédent : Tout le monde est là pour l’anniversaire d’Alexandra (qui, elle, est passablement ivre) : sa mère, sa tante Déborah, son père, Carine la nouvelle femme de son père, Will le frère de Carine, et Chloé une amie d’enfance. Norma et Chloé se confient l’une à l’autre, Norma n’arrive pas à oublier Jonathan, Chloé a l’habitude d’harceler ses ex. Pour lire l’épisode précédent

Elle voit bien son petit jeu

Courtoise - illustration - S1 E5

         Elle voit bien son petit jeu. À chaque nana qui passe sur le trottoir, ses yeux se rivent au derrière de la fille et il mate son cul sur plusieurs mètres.
           Et allez, encore une !
           Norma le regarde depuis la librairie. Ce type doit faire des travaux dans l’immeuble d’en face, il est plein de poussière blanche et de traces de peinture.
          « Elle va durer toute la matinée sa pause, à ce débile… ».
          Elle se retourne pour répondre à un client et surprend Yohan en train de la regarder. « Tous des mateurs ».
          Et voilà que le client lui prend la tête. Ça fait une demi-heure qu’elle subit son babille inintéressant en gardant le sourire. Il cherche un livre qui n’existe pas, dont il ne connait ni le titre, ni l’auteur et il n’est pas content parce qu’elle ne lui trouve pas.
– Vous n’y connaissez rien mademoiselle. Je viens ici pour avoir à faire à un vrai libraire, sinon j’irais acheter mon livre au supermarché… ou sur internet !
« Il est limite insultant…». Elle a perdu son sourire, et sa patience. Elle prend sur elle, son patron n’aime pas les sautes d’humeur. Le client hausse le ton pour se faire remarquer, mais la librairie est vide… Il n’y a qu’une ado boutonneuse au rayon littérature jeunesse, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, et une très vieille dame qui feuillette un recueil d’Aragon – avec un peu de chance, sourde comme un pot.
– Vous m’avez fait perdre mon temps ! Les femmes m’ont toujours fait perdre mon temps. J’aurais dû me douter que vous étiez incompétente. Est-ce que quelqu’un d’autre peut me renseigner !
Et il fonce sur Yohan. Norma serre les dents tellement fort, qu’elle a mal aux mâchoires.
          Après 10 minutes de conversation, le client acariâtre n’a rien obtenu de mieux avec son collègue. Il passe devant Norma pour quitter la librairie et elle a clairement envie de lui cracher à la gueule.

          À midi, le voyeur est à nouveau en pause. 
          Norma a un message vocal sur son téléphone.
          Son cœur bat plus vite. Elle a essayé d’appeler Jonathan, hier. Trois fois.
          Norma consulte son répondeur en marchant vers la boulangerie. Elle a hésité à passer sur le trottoir d’en face, puis elle a eu la flemme. Elle ne va pas faire un détour pour un abruti. C’est sa meilleure amie, Marie, qui lui a laissé un message. Alors qu’elle le dépasse, elle peut sentir le regard du type la scanner des pieds à la tête et s’arrêter sur son cul. Sa déception se noie dans son malaise. Elle s’accroche à la voix douce de Marie. Sa main droite glisse dans son dos, sur le haut de ses fesses, et elle adresse un joli doigt d’honneur à l’abruti. Elle rougit immédiatement et n’ose regarder par-dessus son épaule pour voir l’effet de son geste. Mais elle se sent galvanisée.
          Marie vient de rentrer de Londres, elle a appris pour son accident et elle veut la voir le soir même, autour d’un apéro. Norma se dit que ça lui fera du bien, Marie est pleine de bon sens.

          19h00, Marie est en retard, comme d’habitude.  Elle arrive en courant, resplendissante dans une robe longue immaculée. La conversation démarre tout de suite et se poursuit sur un rythme effréné. Elles ont tellement de choses à se dire. Norma se confie sur son état de tension du moment. Elle est souvent énervée et part au quart de tour. Le sans gêne et la vulgarité des gens lui sortent par les trous de nez et lui donnent des envies de meurtre. Parfois elle leur balance de sales regards ou même des petites réflexions. Elle qui, avant, n’aurait jamais osé un mot plus haut que l’autre… Elle raconte à Marie comment ont commencé ses accès de violence. Avec Jonathan. Ou plutôt sa voiture.
Un matin, alors qu’il faisait le mort depuis deux semaines, en passant dans le quartier où il habite elle était tombée sur sa voiture. C’était bien la sienne, elle connaît son numéro d’immatriculation par cœur. Elle avait senti quelque chose se tordre violemment dans son ventre. La vue de cette belle voiture rouge était insupportable, garée là dans la rue, comme si de rien était, tandis qu’elle souffrait atrocement. Se dire qu’il allait venir la récupérer tout à l’heure… Qu’il monterait dedans, tranquillement, pour se rendre chez dieu sait qui, alors qu’elle ne dormait plus la nuit et qu’elle avait perdu l’appétit. Elle ne pouvait plus avancer. Elle ne pouvait pas passer son chemin.
Elle avait plongé la main dans son sac pour saisir son trousseau de clés et, avec, elle avait rayé la belle carrosserie écarlate sur toute la longueur
.
          Quel pied !
          Elle avait aussi pété le rétroviseur. Puis elle était repartie.
          Marie sourit.
– Après tout, il ne l’a pas volé.
– Alex m’a dit la même chose.
– J’imagine sa gueule quand il a retrouvé sa caisse. J’aurais aimé être là pour voir ça.
– Oui, moi aussi.
Marie éclate de rire et Norma rit avec elle, mais son rire sonne faux. Elle sait bien qu’elle n’a pas dit la vérité. Ce n’est pas tout à fait comme ça que les choses ont commencé.

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 – Merci à Biba, Cosmopolitan, Voque, Lui et Grazia de m’avoir fourni la matière pour mon illustration –

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